France3-regions – Professeur truck : en Normandie, une salle de classe itinérante dans un camping-car

Le jour est à peine levé sur le bourg de Saint-Sever. Les abords du collège sont déserts, les bâtiments vides, la cour silencieuse. Mais une salle de classe est éclairée, ignorant les congés scolaires. La lumière filtre à travers la fenêtre. Il y a de la buée sur le pare-brise. Le camping-car est stationné sur le parking, bien en évidence, avec son logo bleu : Professeur truck.

Trois élèves de Terminale S approfondissent le programme de maths. La trigonométrie, les sinus, les cosinus. C’est crucial, a fortiori cette année : 

« avec la réforme, il ne faudrait pas redoubler. Leur bac n’existera plus l’an prochain », 

explique la prof. Ils ont donc choisi de suivre un stage d’une semaine, à raison de deux heures chaque matin. 

« Je connais bien un des élèves. Il m’a sollicitée, explique Audrey Kistler. Je lui ai demandé si d’autres élèves pouvaient être intéressés. Deux de ses camarades ont dit oui. J’ai donc organisé le stage à Saint-Sever. C’est l’endroit qui leur convenait ».

Pas de tableau noir dans la salle du Professeur truck • © Pierre-Marie Puaud / France Télévisions

Les futurs bacheliers ont pris place sur les banquettes de ce était le coin repas. Audrey aligne les équations sur un grand tableau numérique accroché au mur, à l’emplacement de l’ancien coin couchage. Les placards sont remplis de livres et de matériel scolaire. Le camping-car a vraiment perdu son petit goût de vacances.

« C’est une salle de classe qui se déplace »,

sourit Audrey Kistler.

À bord, le climat est studieux. Pas de smartphone sur la table. Pas de sollicitation. La fenêtre donne sur le collège, ce qui n’invite pas spécialement à la rêverie. 

Ici on travaille plus qu’à la maison. Et puis on a la prof. On est encadré. S’il y a quelque chose qu’on ne comprend pas, elle nous aide. Alors qu’à la maison, on va repousser ça à plus tard…

Audrey se penche sur la table, prodigue des conseils, des encouragements. Dans une autre vie, elle fut ingénieure pour un sous-traitant automobile. 

« Mais quand j’ai habité en Allemagne il y a quelques années, je donnais déjà des cours de français. J’adore ça ».
 

Le coin repas du camping-car occupé par les élèves. • © Pierre-Marie Puaud / France Télévisions

Les deux heures ont passé très vite. Les Terminales s’en vont reprendre le fil de leurs vacances. Trois élèves de sixième s’installent à leur tour au coin salon. Cette semaine, ils reprennent tout le programme de l’année en insistant sur ce qui les a mis en difficulté. 

« Ils ont du soutien au collège, c’est vrai, reconnaît Amraoui qui vient de confier son fils au Professeur truck. Mais ils sont trop nombreux. Ils font ça entre deux cours, ou en sortant du self. Ce n’est pas suffisant. »

Dans le bocage, il n’existe guère de structure privée spécialisée dans le soutien scolaire telle que celles qui se partagent le marché des grandes villes. Quand Audrey a choisi de se reconvertir dans l’enseignement, elle a très vité opté pour les cours particuliers. 

« Après avoir obtenu mon Master, j’ai effectué des remplacements en collège et en lycée comme prof de maths. C’était parfois frustrant. On se rend compte qu’on perd certains élèves qui auraient parfois juste besoin d’un tout petit peu d’aide afin de pouvoir progresser. Mais on n’a pas ce temps-là à leur consacrer. J’avais envie de pouvoir être là pour chacun des élèves ».

© Pierre-Marie Puaud / France Télévisions

Evidemment, cette attention sur mesure de paie. Le stage de dix heures est vendu 150 €. L’heure de maths ou de soutien en période scolaire coûte entre 13 et 25 €. La formule ne séduit pas que les élèves et leurs parents : 

« Une enseignante du nord de la France m’a contactée pour faire la même chose. Cela pourrait être intéressant de mutualiser les cours ». 

Audrey songe à créer une franchise Professeur truck. Le concept n’a rien de bien sorcier. Il suffisait d’y penser.

Un article par Pierre-Marie Puaud